SPREEWITZ (AFP) - Des étendues mornes de forêts et de lande, des carrières de lignite à ciel ouvert et des lacs artificiels: c'est là, à proximité de la Pologne, que les loups ont fait leur réapparition en Allemagne. Si l'accueil est plutôt positif, leur survie reste fragile.
"Ici les gens sont très coopératifs, rien à voir avec ce qui se passe en France", où un "plan loup" adopté sous la pression des éleveurs autorise jusqu'en 2008 leur abattage, se félicite la biologiste allemande Gesa Kluth. Depuis plusieurs années, des loups venus de Pologne --où ils seraient 600-- faisaient des incursions sur le territoire allemand. Jusqu'à ce qu'en 2000, un premier couple s'installe définitivement, en Saxe (est de l'Allemagne), sur un terrain d'exercices militaires. Depuis, il a fait chaque année des petits. Quand, au printemps 2002, les loups ont égorgé 33 moutons chez un éleveur, les autorités "ont compris qu'il fallait faire quelque chose et se sont tournées vers moi", se souvient Gesa Kluth. Avec sa collègue Ilka Reinhardt, elle examine aujourd'hui les traces de la meute et de sa progéniture, analyse les déjections, répertorie les déplacements d'un des animaux équipé d'un collier émetteur. Et surtout, les deux chercheuses font tout un travail d'information et de conseil dans la région. Depuis l'attaque de son troupeau en 2002, l'éleveur Frank Neumann a gardé la tête froide : "Les éleveurs sont les premiers concernés. Et le loup est un animal protégé. Alors il faut s'y faire et en tirer le meilleur". Indemnisé et conseillé -- il a installé une double clôture électrique et travaillera dès l'an prochain avec un chien berger des Pyrénées -- Frank Neumann n'a plus eu de problèmes depuis. Dans la région, "les éleveurs sont sereins", assure-t-il. La réapparition du prédateur, un siècle après la dernière battue au loup en Allemagne, a suscité toute une série d'initiatives associatives en sa faveur. Frank Neumann, par exemple, peut désormais compter sur des bénévoles pour l'aider à installer ses clôtures électriques. Quant aux autorités régionales et aux professionels du tourisme, ils associent aujourd'hui le loup à leurs campagnes d'image, dans un pays où, selon une étude de la Fédération de Protection de la Nature (Nabu), 93,3% des Allemands sont favorables à sa protection. Seule une poignée de chasseurs réunis dans une "Association pour la Sécurité et la Protection des espèces" a réclamé le droit d'abattre un loup afin de protéger le gibier et... les enfants. La demande a été rejetée. "L'hiver dernier, nous avons eu plusieurs fois la visite de loups qui inspectaient notre tas de compost", réagit sur un forum internet un certain Wolfgang, résidant dans le village de Neustadt, en plein territoire du loup. "Au début ce n'était pas rassurant, mais désormais je peux dire que ceux qui ont peur pour la vie des enfants n'ont vraiment aucune idée du comportement des loups". Neuf loups issus des précédentes portées s'étant évanouis dans la nature, il en reste aujourd'hui huit, qui évoluent sur quelque 500 km2, ce qui n'est pas assez, estiment leurs protecteurs. L'an dernier, autour de Neustadt, une louve en quête de partenaire a ainsi été contrainte de s'accoupler avec un chien, mettant bas des bâtards. Deux ont pu être rattrapés et isolés en janvier, afin qu'ils ne perturbent pas le patrimoine génétique de l'espèce. Aux dernières nouvelles, la "louve de Neustadt" a été vue avec un congénère, raconte Ilka Reinhardt. "Il y a de l'espoir cette fois qu'elle se soit trouvé un partenaire. Mais si c'est un frère issu de la même meute, elle ne se reproduira pas avec lui", prévient la biologiste. Les conditions d'un retour durable de l'animal en Allemagne sont encore loin d'être assurées.
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